UNE ÉCONOMIE EN MOUVEMENT
Pendant les années de 1980 à 1989, l’économie du Vietnam traverse une étape pleine d’adversités. De nombreuses réformes macro-économiques ont été réalisées, mais leur efficacité est encore douteuse. La réforme sur le prix, le salaire, la monnaie en 1985 dans l’espoir de sauver la situation la poussa dans une crise profonde, surtout dans les années 1986-1987.
Dans le monde, les forces peu sympathisantes avec le Vietnam ne parlaient que des émigrations des « boat people » et beaucoup même parmi elles les encourageaient. Mais, suivant C. Peter Timmer dans le séminaire « Les défis dans la voie de réformes en Indochine », organisé à l’Institut de développement international de l’Université de Harvard (Etats-Unis) en 1990-1991, « de nombreux participants s’étonnèrent en apprenant que des réformes économiques de grande envergure s’étaient déroulées dans le secteur de l’Indochine socialiste », et avaient récolté des succès « surprenants ».
Pourtant, le Vietnam se trouve face à de nombreux défis et de nouvelles opportunités.
Contexte : Retour aux années difficiles
Après 1975, le Vietnam est indépendant et entièrement réunifié. A partir de cette année-là, la tâche consistant à restaurer et à développer l’économie vient au premier rang, malgré que la situation aux frontières n’était pas vraiment calme, et dans la partie récemment libérée du territoire s’entassaient des difficultés à résoudre.
La guerre finie, le système des voies de communication routière et ferroviaire avait été détruit sur presque toute sa longueur du Nord au Sud, sauf quelques portions; des milliers de ponts petits et grands sont abattus; le système d’information par fil était coupé; des dizaines de milliers d’hectares de forêts avaient été dévastés ou détruits par des défoliants; les rizières furent parsemées de cratères de bombes; sauf Saigon (actuellement Ho Chi Minh-ville) et une partie de Hanoï, des cités municipales et centres urbains, surtout au Nord, avaient été rasés ou profondément abîmés.
Tout ce que le Nord Vietnam avait pu construire dans les années 1954-1964, même si épargné par les bombardements, devait être démonté pour être évacué dans la haute région ou à la campagne, tandis que les bases industrielles au Sud Vietnam concentrées surtout aux alentours de Saigon, ne pouvant fonctionner qu’avec les matières premières et la technique importées de l’étranger, furent paralysées après 1975.
Pendant les 14-15 années après la guerre, le peuple vietnamien a dû lutter sans cesse pour surmonter de nouvelles difficultés venues de l’extérieur comme de l’intérieur. De nos jours, on peut avoir différents avis sur la subjectivité et l’empressement dans la fixation des indices à atteindre pour les plans quinquennaux 1976-1980 et 1980-1985, sur la structure rigide d’une économie dirigiste et subventionnée, mais on ne peut contester les résultats obtenus par la construction de certains ouvrages d’infrastructure et surtout les leçons utiles tirées de l’échec même de ces plans. Sans ces premiers faux pas, sans les recherches entreprises afin de découvrir une nouvelle voie menant à l’économie de marché suivant l’orientation socialiste, il eut été difficile d’obtenir ce que nous avons aujourd’hui.
Il est à remarquer que c’était la population de chaque localité dans ces temps difficiles, qui essayait de « franchir la barrière » pour expérimenter des mesures, quelquefois assez hardies, par exemple la politique d’un prix unique à Long An, le forfait dans l’agriculture à Hâi Phông. Ces précieuses expériences étaient diffusées par la suite dans tout le pays.
Les données statistiques ont confirmé les progrès des branches de production matérielle et du secteur de services, mais n’ont pu décrire les périls que chaque branche avait dû surmonter; les opiniâtres travaux qui ne pouvaient être quantifiés ni évalués par des graphiques ou des schémas, quelquefois par des pertes de vies humaines, comme le dégagement des bombes et des mines explosives éparpillées dans le pays, en vue d’élargir la superficie agricole.
Ces données ne peuvent pas non plus décrire les échecs : l’aménagement de la structure économique, de la structure d’investissement penchant au début vers le développement de l’industrie lourde de grande envergure, la construction à profusion malgré la pauvreté du pays, l’abolition hâtive des formes économiques basées sur le régime de propriété individuelle dans la production, l’hésitation de passer à l’économie marchande et au mécanisme de marché, l’aide illimitée aux bases d’économie nationale et collective, qui s’accrochant, en réalité, au régime de subventions budgétaires généralisées, ont conduit le pays à une crise économique prolongée. L’erreur dans la solution du problème prix-salaire-monnaie, comme il est dit plus haut, à la fin de 1985 a élevé la crise latente à un haut degré en provoquant l’inflation à 3 chiffres, l’instabilité de la situation sociale. Pendant ces années de réelles difficultés, des dizaines de milliers de « boat people » continuèrent à émigrer par la mer.