L’ESPACE VIETNAMIEN ET LA DIVERSITÉ DES ÉLÉMENTS D’ASSISES 6
UNE HISTOIRE DE FORMATION LONGUE ET PLEINE DE BOULEVERSEMENTS
Le cadre fondamental
Actuellement, les géologues déterminent en général les grandes structures géologiques suivantes, de l’ouest à l’est, du nord au sud de l’Asie du Sud-Est, y compris le territoire du Vietnam.
Le bloc géologique Sibumasu, comprenant les territoires de l’ouest de Yunnan de la Chine, du nord-ouest du Laos, de l’est du Myanmar (l’est du plateau Shan et la zone frontalière touchant la Thaïlande), de l’ouest de la Thaïlande jusqu’à l’ouest de la Malaisie.
Le bloc géologique de l’Indosinias comprenant les territoires du Vietnam au sud-ouest de la faille du fleuve Ma (y compris les zones Muong Tè, Dien Bien Phü à l’extrême nord-ouest du Vietnam), comprenant tout le territoire du Centre et du Sud Vietnam, la majeure partie du Laos, du Cambodge et l’est de la Thaïlande, descendant jusqu’à l’est de la Malaisie.
Le bloc géologique de la Chine méridionale comprenant les territoires de Guangsi, de l’est de Yunnan et le Nord Vietnam, ayant comme limite méridionale la faille du fleuve Ma. Certains chercheurs prennent la faille du Fleuve Rouge comme limite méridionale, mais de nouveaux documents d’étude déterminent que la faille du Fleuve Rouge n’a commencé à agir que dans les ères récentes (néogène et quaternaire), tandis que celle du fleuve Mà jouait un rôle important dans toute la longue histoire de formation du territoire.
Ainsi le territoire du Vietnam subissait l’influence des actions de deux blocs géologiques de la Chine méridionale et de FIndosinias. Dans la partie septentrionale du bloc géologique de la Chine méridionale, les roches précambriennes sont disposées nettement le long du Fleuve Rouge; celles de la période cambrienne à l’ère mésozoïque — c’est- à-dire de 570 millions à 65 millions d’années de nos jours — y sont largement représentées. Le delta du Fleuve Rouge a son socle constitué essentiellement de roches néogènes au dessous des alluvions quaternaires. La partie extrême du Nord-Ouest et le Centre, le Sud du Vietnam appartenant au bloc géologique de FIndosinias se divise nettement en deux parties séparées par la faille Tarn Ky-Phuoc Son. La partie septentrionale, avec les roches paléozoïques et mésozoïques, joue un rôle essentiel; la partie méridionale, avec la saillie Kon Tum, renferme des roches précambriennes réparties largement. Dans cette partie méridionale, de la fin du néogène au début de Fère quaternaire, de vastes éruptions de basalte créaient les terres rouges fertiles actuellement.
En dehors des roches sédimentaires, aux deux zones précitées, les roches magmatiques — surtout granitiques — occupent une surface de répartition assez grande. Elles étaient formées aux âges différents, mais surtout aux grandes ères comme précambrienne, paléozoïque antérieur, paléozoïque postérieur, mésozoïque antérieur, mésozoïque postérieur, cénozoïque. Les roches précambriennes sont plus répandues au sud, appartenant à la saillie Kon Tum comme aux régions de l’est des Hauts-Plateaux du Tây Nguyên, de l’ouest de Quang Ngai, Binh Dinh, etc… Les roches granitiques mésozoïques postérieurs-cénozoïques se trouvent partout au Sud comme au Nord.
Les cycles de formation des montagnes
Les études de nombreux géologues (Fromaget : 1941, Dovjikov et autres : 1965; Trân Vân Triet autres : 1976; Vü Khüc, Bùi Phü Mÿ et autres : 1989; Dào Dînh Thuc, Huÿnh Trung et autres : 1995) etc… permettent de reconnaître les étapes de formation des montagnes et les grandes déformations suivantes qui s’étaient déroulées sur le territoire du Vietnam :
— Outre l’étape de formation des noyaux précambriens, les premiers mouvements de formation des montagnes correspondent à la période de tectonique calédonienne et forment des structures montagneuses se manifestant nettement dans la région des montagnes côtières du nord-est du Nord Vietnam (Quang Ninh, archipel Cô Tô) et en d’autres endroits. Cette zone de structure calédonienne est reliée à la zone orientale de Guangtoung, à la presqu’île Leithéou et plus loin, à la région côtière du sud-est de la Chine, pour former le plissement de Catasia.
Pendant la période hercynienne, se sont fonnés de nombreux blocs calcaires de l’étage Bac San appartenant aux périodes carbo- penniennes répartis largement sur toute la superficie du Nord Vietnam et du nord du Centre Vietnam. De nombreux chercheurs considèrent que le plissement hercynien s’était produit à la fin de cette période, typiquement à la région septentrionale du Centre Vietnam, correspondant aux zones de plissement vietnamo-laotien (Kudriavtsev, Galinsky et autres, 1969; Tr’ân Van Tri et autres, 1976).
— D’après les études, à commencer par celles de J. Fromaget (1941), tout le territoire du bloc géologique de la Chine méridionale et de l’Indosinias, et peut-être le bloc géologique Sibumasu aussi, avaient subi une grande influence de la phase de formation du plissement indosinias se déroulant à la fin de la période triasique (220 millions d’années auparavant). Après ce plissement, le régime continental s’est établi fondamentalement au Vietnam excepté quelques petites superficies au nord-ouest du Sud Vietnam et au sud des Hauts-Plateaux du Tây Nguyên, où le régime marin persistait jusqu’au début de la période jurassique (de 190 à 200 millions d’années auparavant).
— Le mouvement de destruction-déformation s’était déroulé vigoureusement pendant l’ère cénozoïque. C’était dans cette étape que se sont formées de nombreuses failles comme celle du Fleuve Rouge, de Cao Bang-Lang Son, du fleuve Câ, etc… De récents documents des programmes de coopération franco-vietnamienne sur les études géologiques montrent que le processus de destruction et déformations pendant l’ère cénozoïque s’était aussi déroulé vigoureusement sur le territoire du Centre Vietnam.
Ce qui attire notre attention, c’est le processus de formation et d’extension du Bien Dông se déroulant pendant le cénozoïque. C’était la période de formation des bassins pétroliers dans la plate-forme littorale au Sud Vietnam comme dans le golfe du Nord Vietnam et en bordure du delta du Fleuve Rouge.
Le mouvement de destruction-déformation ainsi que les mouvements de soulèvement pendant l’ère cénozoïque avaient favorisé les phénomènes d’érosion, de dénudation et engendré les niveaux de pénéplanisation du relief. En même temps, le mouvement de soulèvement et le processus d’érosion créaient un relief contrasté et profondément découpé, se manifestant nettement au nord-ouest du Vietnam comme dans les régions montagneuses du nord-est et de la Cordillère Truong Son.
De vigoureuses éruptions se déroulaient de la fin du Néogène au début de l’ère quaternaire sur tout le territoire du Vietnam, mais le plus nettement au Centre méridional et au Nam Bô orientai et aux zones limitrophes du Cambodge. Les mouvements de nouvelle tectonique, commencés au Néogène, continuent pendant Père quaternaire et de nos jours.
Dans le Bien Dông, après un tremblement de terre souterrain, dans la zone Hon Hai, il y eut une éruption volcanique sous-marine, créant une petite île dénommée Hôn Tro, qui aurait été détruite par les flots en 6 mois. Des secousses sismiques se produisent encore actuellement en différents lieux, particulièrement au nord-ouest du Vietnam et au Bien Dông. Récemment, à la fin février 1993, près de Pleiku, on a observé l’apparition de fumées et de cendres éjectées des failles pendant une durée de 6 heures.
Le territoire du Vietnam s’est ainsi formé progressivement. Pour ce faire, la nature a dû déployer ses forces pendant des centaines de millions d’années, tandis que l’homme n’y apparaît que depuis quelques dizaines de milliers d’années. Et pourtant, dès son apparition et au cours de son développement social, son action sur la nature crée de nouvelles transformations dont l’importance ne cède en rien aux actions géologiques. C’est ce que nous verrons ci-après.