L’ESPACE VIETNAMIEN ET LA DIVERSITÉ DES ÉLÉMENTS D’ASSISES 5
Les plaines : deux deltas aux deux extrémités, une bande de plaines côtières étroites au milieu
Les plaines du Vietnam touchent le Bien Dông. L’image populaire de deux greniers aux deux extrémités du pays et d’une palanche au milieu reflète quelque peu leur disposition.
Le delta du Fleuve Rouge est le résultat de l’alluvionnement sur un ancien golfe par deux réseaux hydrographiques : ceux du Fleuve Rouge et du fleuve Thai Binh. Sa superficie totale, comptée à partir de 25m d’altitude et au-dessous, est d’environ 15.000 km comprenant en grande partie les nouvelles alluvions relativement fertiles et deux bandes d’alluvions anciennes en bordure au nord et au sud. L’existence de ces bandes d’alluvions anciennes est le fondement d’une hypothèse d’un delta flandrien détruit quand la mer se retira pendant la dernière période de glaciation. Le delta actuel s’est formé pendant la période de la transgression flandrienne et est encore alluvionné vers la mer, essentiellement autour des côtes de Ninh Binh à une vitesse d’environ 100m par an.
Le relief du delta s’incline en général du nord-ouest au sud-est, mais il ne manque pas de mésor-reliefs: les rebords des cours d’eau, les dunes côtières, les cuvettes détruisant cette monotonie. En bordure au nord et au sud, on voit même dans la plaine surgir des chaînes de monts calcaires, des collines gréseuses, schisteuses et gneisseuses (comme dans la région de Nam Dinh), témoin de la présence de roches du fondement en profondeur.
Le delta du Fleuve Rouge est le lieu de concentration le plus précoce des Viêt, le lieu d’origine de « la civilisation du Fleuve Rouge » comme on la désigne souvent; c’est pourquoi il est très difficile de distinguer le relief naturel du relief antropogène. On peut avancer que l’homme vivant dans cette plaine depuis des milliers d’années avait transformé radicalement l’aspect de la plaine pour mieux servir ses propres intérêts.
Le delta du Mékong, au contraire, garde encore en beaucoup d’endroits et sur des espaces immenses des paysages intacts ou peu transformés, particulièrement dans la zone Dông Thap Mufti (Plaine des Joncs) et dans la presqu’île de Cà Mau.
Comme celui du Fleuve Rouge, le delta du Mékong est le résultat de l’alluvionnement d’un grand golfe s’avançant autrefois jusqu’à Phnom Penh (Cambodge). C’est pourquoi le sommet de ce delta se trouve là où le Mékong se détache en deux bras appelés le Tien (Fleuve Antérieur) et le Hâu (Fleuve Postérieur), qui, à l’approche de la mer, se subdivisent en neuf bras déversant leurs eaux par neuf embouchures (Neuf dragons).
Le territoire depuis l’embouchure Tiëu à l’embouchure Cân Gio au sud-ouest de Vung Tàu possède tout à fait le caractère d’un delta de marée, alluvionné par les rivières Dong Nai et Vàm Co (comme le delta du Fleuve Rouge par les réseaux du Fleuve Rouge et du Thai Binh), considéré comme plaine de bordure. La deuxième plaine de bordure est la presqu’île de Cà Mau. Ces deux plaines sont constituées en grande partie de terres salines et alunifères, différentes de celles du centre du delta constituées d’alluvions particulièrement fertiles.
Le relief du delta est aussi très compliqué avec des bassins immenses à l’intérieur (Dông Thap Mirai, le quadrilatère Long Xuyên), une série de dunes côtières sur les côtes du sud-est, une région encore immergée à l’extrême ouest du Sud Vietnam. Par le charriage des matériaux alluvionnaires à la côte du nord-est au sud-ouest, le long des côtes orientales et du,courant marin local en sens inverse de celui des aiguilles d’une montre dans le golfe de Thaïlande, le cap Cà Mau s’avance dans la mer à une vitesse exceptionnelle 60 à 80 m par an.
Le réseau des canaux et des arroyos naturels dans la plaine peut être considéré comme un des plus serrés au monde, servant de voies de communication fluviale commodes, permettant de se faufiler en canot jusqu’aux endroits les plus reculés.
Malgré que l’exploitation réelle de cette plaine ne date que d’environ 300 ans, l’homme en a fait le plus grand grenier à riz et cultures diverses du pays.
Le bord septentrional du delta est une bande d’alluvions anciennes s’étendant de Tây Ninh jusqu’à Bà Ria-Vüng Tàu, fréquemment appelée le Nam Bô oriental. A cause de l’inclinaison de cette terre depuis les collines du pied du Truong Son Sud vers le sud, et de l’enfoncement progressif au-dessous de la couche d’alluvions récentes, les limites entre la plaine et cette bande de terre sont difficilement reconnaissables.
La surface de cette bande d’alluvions anciennes — d’après l’avis de nombreux chercheurs — est le résultat de Palluvionnement du Mékong avant la période flandrienne, car les cours d’eau Vàm Co Dông et Vàm Cô Tây sont incapables d’en être à l’origine. Elle fut latérisée, défigurée au temps des éruptions basaltiques du pléistocène antérieur. Si les alluvions récentes, limitées aux vallées des rivières Vàm Cô, sont assez fertiles, la grande superficie essentiellement constituée d’alluvions anciennes n’a pas une fertilité équivalente, mis à part les sommets basaltiques déjà désagrégés en terre rouge très favorable aux plantes industrielles, en particulier à l’hévéa.
Les plaines côtières du Centre Vietnam sont réparties successivement du nord au sud, c’est-à-dire de Thanh Hoa à Phan Thiet. Chacune est le produit de Palluvionnement d’un cours d’eau s’écoulant du flanc oriental de la Cordillère Truong Son dont le bassin est souvent pris comme base pour fixer les limites d’une province.
Sur le littoral, les alluvions sont remodelées par les vagues et les marées, et ce sont ces processus marins qui déterminent la forme de la côte (les dunes côtières, les flèches littorales, les tombolos et en quelques endroits, les lagunes). De nombreuses formes particulières de relief comme les dunes géantes à Phan Thiê’t doivent leur origine à la période de régression préflandrienne. Cela s’applique également aux terrasses marines rencontrées en maints endroits, y compris au nord et au sud du Centre Vietnam.
Une autre caractéristique reèonnaissable entre toutes, c’est que par endroits à cause des contreforts de la Cordillère Truong Son arrivant jusqu’à la mer, une ou plusieurs plaines sont séparées d’un autre groupe de plaines, reliées seulement entre elles par des cols, par exemple le col Ngang, le col Hai Vân, les cols Cù Mông, Cả. Evidemment, ces cols sont des obstacles naturels notables (les seigneurs Trinh et Nguyen n’en avaient-ils pas profité pour scinder le pays au service de leurs intérêts?) mais en arriver à généraliser comme l’a fait P. Gourou (1941) que la configuration de ce pays ne semble pas mener à l’unification , montre bien que dans une certaine mesure, il est tombé dans le déterminisme géographique banal, très répandu à cette époque.
Quasiment toutes les plaines du Centre Vietnam sont longues et étroites (les plus étroites sont celles au sud du Centre Vietnam) et ont une superficie limitée. La plus vaste est celle de Thanh Hôa (3.100 km ), produit de Lalluvionnement issu des bassins hydrographiques des fleuves Ma et Chu et d’une partie des alluvions du Fleuve Rouge, apportées par les courants côtiers à Nga Son. Les plaines du Nghç An jusqu’au sud de Tuy Hoa, même si on associe toutes les bandes dispersées dans chaque localité ne dépassent pas 2.000 km2 chacune : celle de Nghç An représente 1.850 km2; de H à Tïnh 1.800 km2; les trois plaines Bînh-Tri-Thiên au total environ 2.000 km2; celle de Quang Nam et Tarn Kÿ 1.800 km2; de Quang Ngài 1.450 km2; de Binh Dinh 1.550 km2; de Tuy Hôa 1.000 km2.
De Ninh Hôa à Phan Thiê’t, les plaines ont une superficie négligeable car le flanc oriental du Truong Son Sud atteint déjà la mer. Les rares terres alluvionnées des cours d’eau Long Sông, Sông Luy, Sông Cai (Phan Thiêt) sont ici précieuses comme l’or et les habitants cherchent encore à augmenter la surface agricole en remontant les vallées jusqu’aux terrasses et aux secteurs arides et désertiques environnants.