LE DELTA DU FLEUVE ROUGE ET LE TRIANGLE CLEF DU NORD 5
L’organisation spatiale de ta plaine du Fleuve Rouge a subi de nombreux changements, mais semble revenir au point de départ. Les besoins d’une réforme volontaire
Les ancêtres de la population de la plaine du Fleuve Rouge s’intéressèrent à l’organisation spartiale dès qu’ils descendirent des hautes régions pour défricher le golfe récemment alluvionné, ce que nous avons parlé plus haut. Mais il faut mettre en évidence une réalité: plusieurs ouvrages étaient réalisés de génération en génération, témoins de la continuité entre les générations.
La construction des digues et les travaux hydrauliques étaient portés au premier rang, et atteignaient l’apogée après la Révolution d’Août 1945. On se rappelle qu’avant 1945, les digues du Fleuve Rouge se rompaient continuellement d’un endroit à l’autre. Les digues de Văn Giang au sud d’Hanoï furent rompues 18 années consécutives (en 1915, en 45 endroits différents), créant trop de nombreux désastres. Actuellement, les digues à Viêt Tri atteignent une hauteur de 18m, à Hanoï aux environs de 14m; à l’approche de la mer, elles sont surélevées de 2,5m et élargies de 30m à 50ni à la base. Les inondations sont encore une menace permanente, mais il n’y a plus de rupture de digues (sauf le cas à Gia Lâm en 1971).
Aujourd’hui, le réseau des digues est devenu un élément « naturel » dans le delta du Fleuve Rouge quoiqu’il soit accompli de main d’hommes alors que la construction des digues marines dans les provinces littorales demande toujours des efforts considérables.
Les systèmes de travaux hydrauliques étaient aussi construits et multipliés par maintes générations. Ils se situent au niveau local, régional (comme l’ouvrage Bâc Hung Hâi) et national (barrages Thâc Bà et Hôa Binh) pour régulariser les crues, permettre une meilleure irrigation et d’autres fonctions. On compte plus de 30 principaux systèmes d’irrigation et de drainage, desservant 604.600 ha de 7 provinces, c’est-à-dire presque toute la superficie du delta.
L’élargissement et l’amélioration des terres arables surélevées aux alentours de la plaine (de Vînh Phü à Hà Bâc, la bande de terre à l’ouest de la rivière Dây) et des bandes de terre alluvionnée ou saline (de Hâi Phông à Ninh Binh) exigent aussi une telle patience.
En résumé, le peuple et le gouvernement ont fait tout leur possible pour protéger et améliorer la plaine du Fleuve Rouge et avant tout son espace agricole.
La répartition des terres agricoles par foyer ne rencontrait pas beaucoup d’obstacles, bien que chaque règne avait sa propre politique agraire. C’était la période où la population était peu nombreuse, et des terres relativement vastes. Mais à partir du temps de Hô Quÿ Ly (10e année du règne Thuân Ton), la loi prescrivit : « Tout plébien ne peut pas posséder plus de 10 « mâu » de rizières, l’excédent doit être remis aux autorités ». Sous le règne de Minh Mang, Phan Huy Chu présenta une pétition au roi suggérant que « le plan urgent actuel est de répartir équitablement la terre au peuple pour qu’il puisse vivre correctement » car « le plus grand souci de la nation est l’inégalité de la propriété du peuple » .
Avec l’accroissement de la population, l’espace agricole est de plus en plus morcellé (90% de la population sont de petits agriculteurs dont une grande majorité est dépourvue de terre).
P. Gourou a calculé, selon le cadastre, qu’au Tonkin, avant 1940, il y avait 16 millions de lopins de terre; seule la province Bac Ninh avait 1,5 millions de lopins sur une superficie de 102.000 ha (ainsi en moyenne chaque hectare a 14 morceaux chacun de 0,068 ha).
Les politiques et options poursuivies après 1954 sur la plaine du Fleuve Rouge par le gouvernement du Vietnam étaient concrétisées par la réorganisation de l’espace agricole. Les petits lopins de rizière furent graduellement réunifiés par la ligne de coopération agricole. Les coopératives agricoles parurent, de la petite à la grande envergure, formant des unités en échiquier et de superficie suffisante pour le travail des machines agricoles. Les diguettes encadrant les rizières furent élargies, permettant aux véhicules de circuler sur les axes principaux.
Une telle organisation de l’espace agricole était réellement progressiste. 11 est à regretter que les modes de gestion et de direction n’allaient pas de pair avec leur envergure, surtout les comités de gestion des coopératives de haut degré, n’étant pas bien formés pour diriger un système si compliqué. Par conséquent, la production décroissat lamentablement au lieu d’augmenter; le paysan se désintéressait de la coopérative et concentrait ses efforts à sa propre portion de 5%. La disette apparaissait annuellement en un endroit ou dans un autre, ce qui nécessitait des subventions urgentes du gouvernement.
Récemment, les rizières furent confiées à chaque foyer et cela avait encouragé les paysans à accroître la production, à améliorer les profits. Pour la première fois, dans tout le cours de son existence, la plaine du Fleuve Rouge non seulement se suffit en vivres, mais en exporte une certaine quantité (à partir de 1992).
Mais à nouveau, on a tendance à rediviser la terre en petits lopins; les paysans ne souffrent plus de la famine mais les provinces purement agricoles ne peuvent pas s’enrichir.
Ainsi, le problème semble se poser comme au début, ce qui nécessite la solution par un autre moyen.