LE DELTA DU FLEUVE ROUGE ET LE TRIANGLE CLEF DU NORD 4
Un territoire « d’un pouce de terrain, un pouce d’or », qui restreint de jour en jour la superficie agricole, bien que l’organisation sociale au service de l’agriculture n’a pas beaucoup changé
En 1940, P. Gourou calcula que la plaine du Fleuve Rouge avait 1.100.000 ha de rizières cultivées une fois l’an et 500.000 ha à deux récoltes, soit une superficie totale de 1.600.000 hectares. Et tout cela pour nourrir seulement 7 millions d’habitants. Il est assez compréhensible qu’en ce temps, le rendement de riz par hectare fut faible : P. Gourou estimait que le rendement moyen par hectare de tout le delta n’était que d’environ 1.400kg, les zones moins fertiles de Vînh Yen, Phüc Yên et Bac Giang au rendement bas d’environ 1.200-1.300 kg/ha, alors que les zones plus fertiles du sud du delta pouvaient donner 2.000 kg/ha par récolte.
Les données de 1994 montrent que les terres agricoles de tout le delta n’étaient plus qu’environ de 900.000 ha, dont plus de 650.000 ha de riz irrigué, et 75% de cette superficie fournissait 2 récoltes, pour nourrir environ les 20 millions d’habitants des 10 provinces. Le rendement, grâce aux mesures de culture intensive, atteint en moyenne de 3,8 tonnes/ha pour la récolte d’automne à 4,3 tonnes/ha pour la récolte d’hiver-printemps.
La superficie restante était réservée à l’aquaculture (6,6% de la superficie totale), à la culture des plantes pluriannuelles (3,1%) et aux prairies d’élevage (0,6%). Les terrains alluviaux situés hors des digues inondés par des crues annuelles, et ainsi périodiquement couverts d’alluvions récentes, servaient à la culture du maïs, du soja, des légumes et haricots de toutes espèces.
Ainsi, dès l’antiquité, la plaine du Fleuve Rouge fut un grand grenier du pays. 75% de sa population sont des paysans. Pour eux « un pouce de terre est un pouce d’or ». Néanmoins, pendant ces 50 dernières années, avec l’accroissement encore élevé de la population, avec le développement des centres urbains et l’apparition des entreprises et des bases culturelles etc…, la superficie des terres agricoles se rétrécissait comme « une peau d’âne », en moyenne chaque année de 4.000 ha. Certainement dans un futur proche, l’an 2000-2005 par exemple, avec la construction des routes, des habitations, des zones industrielles, de nouveaux centres urbains, les surfaces cultivées se restreindront davantage, et peut-être avec plus de rapidité.
Depuis l’antiquité, l’organisation sociale et l’organisation spatiale du delta furent essentiellement au service de la production agricole. Evidemment, elles connaissaient des modifications selon le temps (en fonction des politiques des autorités centrales) mais conservaient son essentiel presque en statu quo.
Socialement, le village était toujours l’unité fondamentale, organisation stricte, plus ou moins autonome (« les lois du roi cèdent aux coutumes du village ») où les villageois sont liés par des relations de parenté, d’étiquette et de communauté. Contrairement à l’image de somnolence éternelle du village « derrière le cordon épais de bambous », en son intérieur se cachent des forces dynamiques qui, en général se réveillent et s’expriment vigoureusement dans la lutte contre les envahisseurs et dans la construction des ouvrages publics (digues, avance sur la mer, ouvrage hydraulique ou une série d’autres ouvrages d’intérêt national). Cependant dans beaucoup de villages subsistent des mœurs corrompus (la majeure partie annulée jusqu’à présent, mais leur caractère reste intact).
Les villages du delta du Fleuve Rouge ont plusieurs fonctions, dont l’agriculture est au premier rang. Il existe actuellement des villages artisanaux (P. Gourou dans son ouvrage « Les paysans du delta du Tonkin » affirma qu’il y a des centaines de métiers différents) ou commerçants (par exemple le village Ninh Hiêp de l’ancien Bac Ninh), mais tous les villages débutaient par l’agriculture pour s’adapter graduellement à l’artisanat et le commerce.
L’organisation sociale des villages de tel type avait certaines limitations. A cause de la routine prolongée, la conversion de la structure agricole et l’industrialisation se réalisent plus lentement que dans la plaine du Mékong.