LA PLAINE DELTAÏQUE DU MÉKONG 4
Depuis plus de 100 ans, l’organisation de la production dans la plaine deltaïque du Mékong a connu de nombreux changements
De pair avec l’exploitation du pays, le cours d’agglomération des terres se produisait très tôt au delta. Les immigrants dans cette région, de plus en plus nombreux, étaient autorisés par les seigneurs Nguyên à « occuper la terre, planter des aréquiers et construire leur maison ». Peu à peu s’est formée une « classe de riches », chaque région avait environ 40-50 ou 20-30 familles, chacune disposant de 50-50 serviteurs, d’environ 300-400 bœufs ou buffles, travaillant continuellement: labourage, hersage, repiquage, moisson… Le régime de « propriétaire foncier » commença depuis iors quoique moins rigoureux qu’au Nord ou au Centre Vietnam.
Sous la colonisation française, le régime de propriétaire foncier était renforcé au degré de grand propriétaire foncier et naturellement pour servir avant tout les Français et les mandarins fidèles à leur colonisation. En 1930, suivant Yves Henry, environ 606.500 ha des terres les plus fertiles (20,6% des terres agricoles) devenaient des concessions aux propriétaires colons; environ 25.000 ha (0,9%) concédés à l’Eglise, 60.000 ha (2,1%) à ce qu’on appelait rizières communales et environ 2.240.000 ha (76,4%) aux propriétaires fonciers indigènes. Ce dernier chiffre peut nous tromper: en réalité, 2,5% des propriétaires occupaient déjà plus d’un million d’hectares; 71,7% se partageaient environ 345.000 ha et 25,8% le reste. Cela signifie aussi qu’environ 50-60% des paysans n’avaient presque pas de terre, une proportion encore plus élevée que celle du Nord ou du Centre Vietnam de ce temps. Le géologue français P. Gourou a aussi calculé que deux sur trois familles, ou trois sur quatre paysans n’avaient pas de terre .
Ainsi, il ne faut pas penser que tout paysan du Nam Bô possédait des terres et que dans cette région fertile, sa vie était toujours assurée. Comme on le verra après, la solution du problème agraire aux paysans n’est pas facile.
Les régimes antérieurs de Saigon avaient aussi réalisé des « réformes agraires », avant tout pour détruire tous les résultats apportés aux paysans par la Révolution d’Août 1945: « la terre aux cultivateurs », ensuite pour créer une nouvelle base sociale à la campagne qui pourrait être la base de leur régime sans abolir entièrement le régime d’appropriation agraire. Une classe de riches paysans apparut, travaillant suivant le mode de production capitaliste, employant la technique relativement avancée (emploi des nouvelles variétés de riz, des machines agricoles, des engrais chimiques), empruntant l’argent des banques et participant aux activités commerciales internationales. Les foyers agricoles riches n’étaient pas nombreux (2,4%), possédant 7% des superficies agraires (environ 5.688 m per capita), mais plus de 50% des machines agricoles et près de 30% des moyens de transport.
Les paysans moyens de classe inférieure (56,2% des foyers, 59,4% des superficies agraires) et de classe supérieure (12% des foyers, 23% des superficies agraires), formaient la couche la plus nombreuse à la campagne, tandis que les foyers des paysans pauvres et des métayers occupaient 24,5% des foyers et 10,6% de surface agraire. La majorité des paysans moyens de classe inférieure, des paysans pauvres et des métayers apportaient leur soutien à la révolution.
Ainsi, la structure sociale de la campagne du delta du Mékong a vu des changements et on ne pourrait comprendre la situation après 1975 sans les connaître. Néanmoins, l’usage de la terre n’en était pas ainsi amélioré. Sur plus de 2,4 millions d’ha exploités avant la guerre, en 1967 seulement 1,7 million d’ha étaient utilisés dans la production agricole, dont 1,56 million à la riziculture .
L’agriculture dans la plaine deltaïque restait pour l’essentiel dans l’état de culture extensive; le rendement moyen était seulement de 2 tonnes de paddy pair hectare; la production totale n’atteignait qu’environ 3,3 millions de tonnes (1967), le coefficient d’usage de la terre environ 1,6. On pourrait considérer cette région comme réservée uniquement à la riziculture; les cultures vivrières en terre sèche et les plantes industrielles n’occupaient qu’une place très secondaire (environ 100.000 ha); le nombre de journées de travail était assez restreint : chaque travailleur n’en avait que 70 à 100 dans l’année; les femmes ne participaient presque pas aux travaux champêtres.
Environ 31% du paddy produit (environ 1 million de tonnes) étaient vendus sur le marché, dont la moitié consommée à Saigon. Les autres marchandises agricoles étaient les canards et les œufs de cane (70% des canards et œufs de cane de tout le Sud Vietnam d’autrefois), la moitié des porcs et des buffles, 37% des poissons, essentiellement d’eau douce.
L’expérimentation après 1975 pour organiser les paysans en coopératives et brigades de production n’était pas préparée soigneusement (et dans une certaine mesure, de caractère bureaucratique impératif) et ne donnait que peu de résultats. Néanmoins, durant la période de 1979 à 1990, il y avait jusqu’à 3 programmes d’Etat sur l’étude et l’investigation de base de la plaine du Mékong réalisés (dont l’un patronné par le Comité d’Etat au Plan, actuellement le Ministère du Plan et de l’Investissement, la Banque mondiale et le PNUD, réalisé par la société NEDECO). Sur la base de ces travaux d’étude, on a pu comprendre les éléments les plus importants influant sur les activités agricoles dans le delta du Mékong, avant tout le régime des eaux superficielles, souterraines et le sol.
Des défrichages des terres incultes réalisés en ce temps en vue d’élargir la superficie des terres agricoles connaissaient des échecs douleureux. « En ce temps se produisait au delta du Mékong le conflit entre le mécanisme économique de subventions budgétaires généralisées et le mécanisme de marché, entre le mécanisme de gestion centralisée, planifiée et une production marchande déjà formée » , se manifestant le plus nettement dans la répartition et la circulation des marchandises. En 1987, le Vie Congrès national du Parti communiste du Vietnam décida d’abolir le mécanisme de subventions budgétaires généralisées, de reconnaître l’économie à plusieurs composantes et grâce à cela, les forces de production furent émancipées, la production marchande se développa. Dans la même année, le Conseil des Ministres, sur la base des résultats d’application scientifico-technique après maintes années d’expérimentation, a décidé la conquête de Dông Thâp Muoi, du quadrilatère Long Xuyên et de l’ouest du Fleuve Postérieur (les zones du sud de Câi San, au nord de Xà No) et de la presqu’île de Cà Mau. La production agricole dans la plaine du Mékong entra dans une nouvelle étape de développement, surtout après la promulgation des Résolutions 100 et 10 (Voir Chapitre VIII).
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