LA PLAINE DELTAÏQUE DU MÉKONG 3
Seulement au bout de trois siècles, Vhomme a transformé une région déserte en une région de production agricole prospère
Les anciens documents, par exemple le rapport de Châu Dai Quan, ambassadeur des Yuan, venu au Champa en 12962 ou le Phü bien tap luc (1776) de Lê Quÿ Dôn, parlent de la plaine du Mékong comme une région « occupée par des forêts de mille lieues » ou des « champs incultes sans un arbre » où « se rassemblent en troupeaux des centaines, des milliers de buffles sauvages ».
Les premiers Vietnamiens étaient venus des hautes régions du Nam Bô oriental au début du XVIle siècle pour explorer cette plaine qui était alors en état de marécages, sauf quelques bandes hautes (les rebords riverains). Les canaux naturels sont les voies d’accès des Viêt anciens aux nouvelles zones, complétées au fur et à mesure par des canaux artificiels, de génération en génération.
Les canaux d’envergure nationale commencèrent à être construits à la fin du XVIIIe, début du XIXe siècle, avant tout pour servir la communication et la défense, puis après, l’irrigation et le drainage. Ce sont des canaux tels que Bâo Dinh (1765), nouvel arroyo du Tranh (1785) encore appelé canal Thuong Mai reliant Vàm Cô Tày et le Fleuve Antérieur, le canal Thoai Hà (1818), Vinh Té (1819) reliant le Fleuve Postérieur au golfe de Thaïlande. En outre, il y a des canaux plus petits comme le canal Ruôt Ngua (1772), An Thông (1819), le cours d’eau Loi Tế (1829, encore appelé canal Bo Bo), Vinh An (1843), Tân Huong, canal reliant à Farroyo Lâp Vò, le cours d’eau de Sa Déc…
Les villages, les hameaux apparaissaient là où le canal était creusé. C’est pourquoi le peuplement courant au delta du Mékong est le peuplement linéaire ou le peuplement rayonnant (d’un point de rassemblement, par exemple Phung Hiep, rayonnant en plusieurs lignes), typique des zones nouvellement explorées.
Suivant le relief, la population créait des essarts sur des terrains élevés, par exemple à Biên Hôa, mais labourait les rizières basses avec les buffles comme force de trait, remblayait des diguettes et repiquaient dans les rizières boueuses profondes, par exemple à Hà Tien. Evidemment la conquête d’une plaine immense et si compliquée ne pouvait être menée que par étapes avec l’accroissement des immigrants (ceux qui étaient fortunés) des régions Quâng.
Les environs de Saigon étaient explorés et habités depuis 1672, et à partir de 1698, c’était l’est du delta et depuis 1724, la région de Hà Tiên; en 1732, celle du Fleuve Antérieur; à partir de 1750, celle de Tân An et Gô Công; en 1757, tout le nord du Fleuve Postérieur (Vĩnh Long, Trà Vinh, Bên Tre, Sa Déc) et peu de temps après, le delta était considéré comme presque totalement exploré, bien que le degré d’exploitation ne soit pas le même entre les différentes zones.
Les immigrants « s’efforçaient de déboiser, de sarcler, de transformer le sol en régions planes, fertiles », de pair avec le creusement des canaux comme indiqué ci-dessus. La production agricole se développait de jour en jour: la population cultivait essentiellement le riz, mais aussi les haricots, le maïs, la patate, le taro, le melon, la pastèque, la canne à sucre suivant la saison. Une partie de la population « vivait du commerce des poissons frais ou fabriquait de la saumure de poisson, séchait des jeunes pousses de bambou, abattait des bambous… pour gagner la vie »; une autre partie développait les métiers artisanaux traditionnels de son lieu d’origine.
Il en résulta qu’au milieu du XIXe siècle (avant l’invasion française), la plaine deltaïque du Mékong était devenue une grande zone de production agricole du pays et ce qui est important, c’est que les produits fabriqués devenaient des marchandises.
Grâce à la technique appropriée, à la fertilité du sol et au climat modéré, à la fin du XVIIIe siècle, au centre du Nam Bô, « si on sème un boisseau de semences de paddy, on en récoltera 300 boisseaux » . » Le paysan prenait trois repas par jour, peu de fois se contentait de soupe et non plus d’autres vivres, car le riz était abondant et jamais de mauvaise récolte ». Lê Quÿ Dôn a constaté que « partout des jonques jonchaient l’embarcadère »; de grands marchés se formaient pour faire le commerce avec les pays étrangers. Au milieu du XIXe siècle, suivant le Dai Nam nhât (Hong chí (Annales du Dai Nam unifié), tout le Nam Bô comprenait 93 marchés dont 19 à Vĩnh Long, 14 à Hà Tiên, 12 à An Giang, 19 à Biên Hôa…, et Bén Nghé-Saigon devenait le plus grand port commercial du Dàng Trong. Là, « la population était nombreuse, marchés et rues se succédaient à perte de vue. Beaucoup de monde parlaient le chinois de Fujian, Guangdong, Chaozhou, Hainan, des langues européennes et de Thaïlande. De nombreux paquebots venaient y faire le commerce des centaines de marchandises différentes ».
Ainsi, la production marchande et les relations avec l’étranger sont courantes depuis longtemps. La fonction de la région comme un centre de production de vivres fut constatée par P. Poivre (1749) quand il écrivit: « Actuellement D’ông Nai (désignant le Nam Bô en général) est un grenier du Dàng Trong qui a fourni à tout le pays une grande quantité de paddy ».
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