LA PLAINE DELTAÏQUE DU MÉKONG 2
La forme et la structure de la plaine deltaïque du Mékong ainsi que les régimes hydrologico-océanographiques compliquent Tutilisation de la nature aux fins économiques
Du sommet du delta à Phnom Penh, le Mékong se divise en deux bras coulant vers la plaine du Nam Bô. Le bras septentrional porte le nom de Fleuve Antérieur (Tien Giang), celui du sud, Fleuve Postérieur (Hâu Giang). Ces deux bras s’élargissent à mesure qu’ils s’approchent de la mer et se divisent encore en plusieurs affluents, dont les embouchures de quelques-uns sont larges de plusieurs kilomètres.
Le Fleuve Antérieur recervant jusqu’à 2/3 du débit du Mékong, avec un lit plus profond, est le fleuve ayant le plus d’eau et d’alluvions. A Vinh Long, à environ 100 km de la mer, le fleuve se divise encore en deux bras: celui de Mÿ Tho et de Cổ Chien, puis du bras de Mÿ Tho se détache un cours d’eau important, celui de Hàm Luông, et ensuite se divise successivement en cours d’eau Ba Lai, Cửa Tiëu et Cửa Dai. Ainsi le Fleuve Antérieur se déverse dans la mer par 6 embouchures, du nord au sud: Tiëu, Dai, Ba Lai, Hàm Luông, Cổ Chien et Cung Hàu (cette dernière est celle d’un bras secondaire du Cd Chien).
Le profil longitudinal du Fleuve Antérieur montre de nombreux changements subits du lit en profondeur, à cause de la disposition alternative des gouffres et des terrains alluviaux. Les gouffres se trouvent fréquemment aux coudes où le fleuve ne se divise pas; où le courant est en tourbillons extrêmes pendant les crues. Les gouffres peuvent avoir une profondeur de 20 m tandis que le lit n’est que de 10m en moyenne, essentiellement en amont de Vînh Long, tandis qu’en bas, où le cours d’eau Hàm Luông se détache de celui de Mÿ Tho, la profondeur est beaucoup moindre.
Le Fleuve Postérieur se jette dans la mer suivant un courant unique (conformément à la faille en profondeur), bien qu’il ait des îles longues situées au milieu du courant. Après avoir rencontré le cours d’eau Vàm Nao qui le rattache au Fleuve Antérieur, le Fleuve Postérieur reçoit une certaine quantité du Fleuve Antérieur, de sorte que le décalage dans le débit des deux fleuves est négligeable. A plus de 70 km de la mer, le fleuve commencé à déverser ses eaux par deux embouchures Dinh An et Tranh Dê, hormis la principale embouchure Bât Xâc.
Tous les deux Fleuves Antérieur et Postérieur sont reliés entre eux par des canaux naturels et artificiels, facilitant dans une certaine mesure la dérivation des crues. Le débit de ces deux fleuves est énorme, environ 34.000 m /s au sommet du delta pendant les grandes crues, mais en moyenne 10.000 m3/s.
Le niveau des eaux s’élève de juillet à novembre, atteint le maximum aux mois de septembre et d’octobre. Il peut dépasser l’étiage de plus de 4 m, bien qu’une part importante des eaux du Mékong, environ 46 milliards de m , était évacuée en remontant au Grand Lac du Cambodge. Pendant ces dernières années, le niveau des crues a dépassé la moyenne de plusieurs années immergeant une grande surface du delta assez profondément; par exemple les inondations de 1996 ont causé des dommages à l’homme, aux habitations et aux cultures sur de grandes superficies. Cela était rare autrefois, peut-être qu’en ce temps-là, la couverture forestière du bassin était encore assez bien conservée, mais la situation se trouve actuellement dans un pire état.
L’eau et les alluvions en grande partie se déversent à la mer, où ils sont redistribués sous l’effet des courants côtiers et aussi des courants marins locaux.
La forme et la structure du delta ont ainsi les traits principaux suivants: la partie antérieure du delta, en contact avec la vallée d’alluvions (de Phnom Penh aux environs des frontières avec le Vietnam), où il y a des rebords de cours d’eau, témoins de la sédimentation des matériaux pendant la saison des crues. Mais la contradiction réside en ceci: sauf les rebords riverains et la bande d’alluvions très fertile aux deux rives, la superficie de la majeure partie antérieure du delta comprend des dépressions immenses, comme on voit à Dông Thâp Muoi ou au quadrilatère Long Xuyên.
La partie postérieure du delta, considérée à partir du débranchement des Fleuves Antérieur et Postérieur, comprend non seulement les terres émergées en contact avec la mer, mais encore le delta submergé. Ici, les rebords des deux côtés du fleuve commencent à s’abaisser au point qu’il est difficile de les reconnaître, mais les dunes côtières hautes jusqu’à 5 m deviennent des formes importantes du relief. La plaine du delta inférieur subit régulièrement l’effet des marées et des vagues. Le niveau d’eau dans les fleuves monte et descend rapidement, le lit du fleuve agit comme un cours de marée gigantesque d’où des « langues » d’eau salée s’imprègnent peu à peu dans le sol.
On peut remarquer l’existence des îles, grandes ou petites, aux embouchures des cours d’eau, résultats de la sédimentation des alluvions aux « rebords en action » du delta. Evidemment les plus visibles sont les îlots, comme les appelle fréquemment la population, par exemple les îlots Dài (Vinh Long), Năm Thon, la dune Bà Nở (Mÿ Tho), les îlots Dung, Trôn, Nai (Soc Trăng), etc. Mais il existe encore des îles gigantesques dont le sommet se trouve exactement au point de débranchement du fleuve et la base saillante touche la mer, encore plus difficilement reconnaissable. La province Ben Tre par exemple est formée par deux îles Bào et Minh, avec le cours d’eau Hàm Luông coulant au milieu, tandis que les provinces Trà Vinh, Vinh Long, Sa Déc et une partie de l’ancienne province Long Xuyên ne sont qu’une île immense entre les Fleuves Antérieur et Postérieur.
En dehors des deux unités de relief et de structure sus-indiquées, le delta du Mékong comprend encore la presqu’île Cà Mau, une plaine alluviale en marge. Les matériaux constituant cette plaine ne sont pas directement transportés par les Fleuves Antérieur et Postérieur, mais par les courants côtiers d’alluvions. Dans le cas où l’alluvionnement est réalisé à la fin du trajet du courant d’alluvions (ici suivant la direction nord-est – sud-ouest), l’alluvionnement augmente de jour en jour en épaisseur et en dimension (presqu’île Cà Mau); dans le cas contraire (au commencement du courant d’alluvions comme à la zone d’embouchure du D’ông Nai sus-indiqué, voir Chapitre XVII), l’alluvionnement est plus lent à cause de la pénurie des matériaux.
L’alluvionnement de la plaine côtière dans la presqu’île Cà Mau dans le passé comme à présent n’est pas régulier sur toute la largeur de la côte immergée. Une assez grande partie de la plaine est encore dans l’état marécageux, par exemple la zone U Minh; certaines autres régions ne sont pas très élevées au-dessus du niveau de la mer, et la côte est affouillée en certains endroits (par exemple de l’embouchure du Gành Hào à la commune Rach Gôc au-dessus de Rach Duong Kéo) tandis que les autres endroits continuent à s’avancer vers la mer comme à la pointe Cà Mau.