LE DELTA DU FLEUVE ROUGE ET LE TRIANGLE CLEF DU NORD 2
Un delta « inachevé » au point de vue processus naturel…
Les deltas du Fleuve Rouge et du Thài Binh ont leur sommet à Viêt Tri et leur base de Quang Yen à Ninh Binh. En réalité, les alluvions du Fleuve Rouge se prolongent jusqu’à Nga Son de Thanh Hôa, tandis que celles du Thài Binh forment un delta en entonnoir (estuaire) dont le sommet est à Phâ Lai et la base se prolongeant de Quàng Yen (Quàng Ninh) jusqu’au sud de l’embouchure du Thài Binh. On l’appelle encore « delta de bordure » ou plus simplement plaine de bordure, dont le manque d’alluvion est lié à sa situation se trouvant en amont du courant alluvial côtier. Une deuxième plaine de bordure se trouve à la fin de ce courant et reçoit presque totalement les alluvions apportées par les estuaires: c’est la zone Ninh Binh (et Nga Son ci-dessus) où la terre s’avance vers la mer avec une vitesse assez rare d’environ lOOm/an.
L’ensemble de ce delta de 16.000 km se repose dans une dépression immense entre les montagnes, sur un socle de roches cristallines qui s’affaissa à la fin de l’ère paléolitique, il y a 200 millions d’années.
L’endroit actuel du delta fut un golfe. La mer dépassait Viet Tri, déferlait sur les collines de Bâc Giang, Bac Ninh, Phüc Yen, Vînh Yên et atteignait Phü Nho Quan et les zones de roches calcaires de Ninh Binh. Cela dura plus de 170 millions d’années. Le fond du golfe subissait un lent mouvement d’affaissement, permettant aux sédiments de se déposer et de former une couche d’épaisseur de milliers de mètres.
Plus tard, le golfe devint un crique-lac de la période du néogène, dont l’épaisseur sédimentaire très variable, pouvait atteindre par endroits plus de 3.000m,d’où les éventualités de réserve de pétrole et de gaz que les travaux d’exploration sont en cours.
La couche supérieure de sédiments du Holocène où la population habite, a aussi une épaisseur notable, variant de -180m à -60m au centre du delta et décroissant vers les extrémités jusqu’à ce que la base de roches apparaisse par endroits.
Le processus d’alluvionnement du delta par comblement graduel du golfe se déroulait ainsi pendant quelques dizaines de milliers d’années durant le recul de la mer dans la période de régression post-flandrienne. Le Fleuve Rouge, après avoir quitté Son Tây, forme un important affluent, la rivière Dây aux environs d’Hanoï, la rivière Đuống, et à Hung Yên, se dédouble en 2 rivières Luôc et Phü Lÿ. A Nam Dinh et Thài Binh, elle se déploie en cours d’eau de Dào, Trà Lÿ et Ninh Co. Le réseau de la rivière Thài Binh après Phâ Lai est encore plus compliqué par l’influence des marées: il n’y a que 2 cours d’eau en amont: le Kinh Th’ây et le Thài Binh, puis à partir de Hài Duong et Nghïa Duong, le réseau des affluents est si dense qu’il est difficile de suivre sur la carte leur commencement et leur fin dans cette zone mi-terrestre, mi-aquatique nommée par P. Gourou la zone « amphibie ».
Le Fleuve Rouge et ses affluents coulent entre 2 bandes de terre élevées et étroites, parallèles au courant. Ce sont des « bourrelets » des cours d’eau, constitués de matériaux plus grossiers laissés après le passage des crues; ils s’abaissent à mesure qu’ils s’avancent vers la mer. Entre les affluents sont des zones basses plus ou moins submergées appelées « les cuvettes », par exemple les cuvettes Hà Nam Ninh, Bac Hung Hâi. La partie du delta alluvionnée par le Thai Blnh n’a pas de relief accentué comme celui du Fleuve Rouge. Comme nous avons dit plus haut, c’est un delta de « marées », dans un état semi-submergé.
Il y a quelques milliers d’années, les anciens Viêt quittèrent peu à peu la zone haute en bordure du delta à Phong Châu et Mê Linh pour descendre et exploiter la plaine alors encore marécageuse. La forêt tropicale submergée, les roseaux et les herbes sauvages occupaient des surfaces immenses. Les serpents et crocodiles grouillaient dans les marécages. Une partie de ce paysage subsistait encore au XVI le siècle quand Phan Huy Chu décrivait l’étang Da Trach dans son livre célèbre Lich triêu hien chuong loai chi (Annales des différentes dynasties).
Le Fleuve Rouge et le Thâi Binh continuèrent ainsi d’un côté à déposer les terres transversalement par le cours principal et ses affluents et de l’autre côté à transporter une énorme quantité d’alluvions aux embouchures où elles sont dispersées sur la mer à proximité et entraînées par un courant alluvionnaire côtier dans le sens nord-est — sud-ouest.
Les espaces alluvionnaires du delta progressant sur la mer se terminent toujours par une bande côtière qui change constamment de place. La bande de la période pléistocène postérieure (QUI) peut être tracée de Yên Duyên-Nho Quan, passant par Gia Viën, Phü Lÿ, remontant à Mÿ Duc, Thach Thât jusqu’à San Tây pour arriver à Nhâ Nam-Uông Bi. La bande de la période holocène moyenne (Q1V2) commence aussi à Yên Duyên, mais a traversé Thanh Oai, Hà Dông, Yên Viên, Yên Düng, Pha Lai, Kinh Mon et Tràng Kênh. La bande de holocène postérieure (QIV3) il y a 4.000-2.000 ans (temps où les anciens Viêt descendirent vers la plaine), s’avance jusqu’à Yên Mô, Nam Truc, Tien Lu, Gia Lôc, Hài Duong, Nam Sach, Hàng Kênh.
On peut donc considérer que le delta de ce temps était « inachevé », mais l’homme à intervenu dans le cours de son développement normal.