EDIFICATION D’UNE ÉCONOMIE AGRICOLE ET INDUSTRIELLE PROSPÈRE 11
UNE INDUSTRIE EN QUÊTE DE LA MODERNISATION POUR SE CONFIRMER
Une industrie édifiée à partir de zéro : un demi-siècle à la recherche de la voie du développement
Jusqu’à maintenant, en somme, le Vietnam est encore essentiellement un pays agricole, tandis que l’industrie n’est qu’à la première étape de sa formation, malgré les progrès visibles dans les 4-5 dernières années. La proportion de l’industrie dans le PIB à la fin de 1994 est de 22,1% contre les 27,7% de P agro-sylviculture.
Pourtant, pour atteindre cette proportion modeste, l’industrie du Vietnam avait dû s’acharner durement pendant près d’un demi-siècle. Le point de départ réel est zéro: l’héritage excessivement pauvre laissé par les anciens colonialistes était démonté et transporté à la zone de résistance où les ingénieurs et les ouvriers montaient des arsenaux fabriquant des armes, des grenades, des mortiers et des bazookas, des cartouches et des mines pour ravitailler les combattants de la guerre de résistance. L’idée d’édifier une industrie pour le jeune Vietnam encore isolé du monde extérieur naquit dès cette période.
La paix fut rétablie après les Accords de Genève, mais le pays était scindé en deux jusqu’en 1975, ainsi chaque région menait une politique agricole différente. Au Nord, il s’agissait de « développer prioritairement l’industrie lourde d’une façon rationnelle, sur la base du développement de l ‘agriculture et de l’industrie légère, édifier l’économie centrale en même temps que l’économie locale, associer l’économie à la défense nationale » (Résolution du 22L Plénum du Comité central du Parti communiste en 1974, explicitant la Résolution de son 7e Plénum en 1962). Des bases industrielles de moyenne et grande envergure construites dans l’urgence, comme la Centrale hydroélectrique de Thac Bà, l’Usine sidérurgique de Thai Nguyen, l’Usine des machines-outils N°l, l’Usine d’engrais azotés de Hà Bac, le groupe industriel de Viet Tri, le Centre textile de Nam Dinh perfectionné, les usines de réparations navales et le bassin houiller du Nord-Est élargis, etc, témoignent de la réalisation de cette option.
Evidemment les industries légères nécessaires à la vie sociale étaient aussi développées à un certain degré. Bien que les données de l’époque 1954-1975 n’étaient pas traitées exactement comme elles le sont actuellement, en général, la valeur totale des productions industrielles en 1975 s’est accrue de 16 fois par rapport à 1954. Ainsi l’accroissement annuel atteint 14,75%, une vitesse très grande, mais compréhensible, vu le point de départ très bas.
Au Sud Vietnam, avant 1975, les branches industrielles pouvaient être classées en 7 groupes, comprenant les groupes de produits chimiques, de mécanique et d’acier, de verre et de céramique, de ciment et d’électricité, mais les 4 groupes de caractère d’industrie lourde n’avaient qu’une recette inférieure, représentant 60% de celle des groupes de produits alimentaires, de rafraîchissants et de tabac, sans compter ceux du textile, du papier, du cuir et du caoutchouc. Cette orientation vers les produits de l’industrie légère avait pour but de servir les besoins du corps expéditionnaire américain et de l’armée de Saigon. Presque toutes les usines se concentraient autour de Saigon-Cho Lan avec un contingent peu nombreux d’ouvriers (plus de 60.000 personnes), basant surtout leur production sur les matières premières importées. La proportion de l’industrie dans la production totale de l’économie du Sud Vietnam diminuait progressivement de 11,1% en 1955 à 6,2% en 1964.
Après la réunification du pays en 1975, l’économie du Vietnam devenait multiforme et en pleine force car les forces industrielles des deux régions se complétaient. Par les conditions géographiques des ressources, historiques, de la main-d’œuvre formée, le Nord reste toujours le berceau de l’industrie lourde; alors que la supériorité en industrie légère revient au Sud.
Pourtant, le problème fondamental n’était pas là, mais dans l’imposition d’un mécanisme centralisé basé sur les subventions budgétaires (impliquant le suivi du régime bureaucratique), très rigoureuse en temps de guerre, dans les circonstances de paix et de plus, dans toute l’étendue du pays. Ce qui s’est produit dans le domaine industriel est semblable à ce qui est advenu de l’agriculture des années 1976-1990, il est inutile de le rappeler ici. Le développement de l’industrie fut enregistré avec un accroissement annuel de 5,3%, mais très instable : 0,6% pendant la période 1976-1980; 9,5% pendant les années 1981-1985 (expansion du mouvement de production) et 5,7% de 1986 à 1990. La valeur totale de la production industrielle en 1990 augmente à raison de plus de 2,1 fois celle de 1976 mais les marchandises produites sont de qualité médiocre avec un prix de revient élevé. Cela crée deux conséquences : le consommateur devait se contenter de marchandises rationnées; sur le marché sévissait une pénurie factive accentuant la contrebande, tandis que les usines se moquaient de la concurrence en qualité, et ainsi n’avaient pas le besoin — ni les conditions — d’améliorer la technologie, se préoccupant seulement du soi-disant « 3e plan » pour obtenir le plus possible des intérêts pour elles-mêmes et non pour l’Etat.
La voie du développement industriel était encore loin d’être atteinte.