EDIFICATION D’UNE ÉCONOMIE AGRICOLE ET INDUSTRIELLE PROSPÈRE 4
L ’issue fut peu à peu découverte: il faut prêter attention au côté social de l’organisation de la production
Maintenant, en étudiant le cours du développement agricole avant et après la guerre, on constate une nette relation entre les opinions et politiques proclamées et l’accroissement ou la régression de la production. Les politiques touchent en réalité l’homme — ici l’agriculteur — pouvant l’encourager à produire, à augmenter le rendement, ou diminuer son enthousiasme. On peut considérer que c’est le côté social (ou socio-politique) de l’organisation de la production.
Le tableau présenté ci-dessous est peut-être sommaire, mais son but est de privilégier le côté social dont, dans l’élaboration du plan de développement agricole (et non seulement agricole) on n’a pas envisagé son action rétrograde (relation rétrograde). Le caractère impératif, dirigé d’en haut, qui fut très courant en temps de guerre et accepté par le peuple, n’a plus d’effet s’il ne convient pas aux sentiments et à la pensée — et plus franchement, aux intérêts — de la majorité et de chacun.
Après le déroulement des événements de 1954, l’année de la libération totale du Nord Vietnam, le gouvernement a préconisé la réforme agraire; 2,1 millions de foyers agricoles bénéficiaient de la nouvelle répartition des 810.000 ha de terre. Des prolétaires campagnards « sans un pouce de terre pour fixer son ciseau », des paysans pauvres manquant de terre, pour la première fois de leur vie, ils avaient un lopin de rizière suffisamment vaste pour nourrir toute leur famille. Si au temps de Gourou, la production vivrière, essentiellement du riz, n’atteignait que 2,2 millions de tonnes, après la réforme agraire, elle dépassait 5,7 millions de tonnes. La moyenne de vivres par tête atteignit 367,2 kg au lieu de 293 kg en 1941.
De la fin de 1959 à la fin de 1960, dans l’espace d’une année, 85% des foyers agricoles du Nord Vietnam étaient incités à participer aux coopératives de bas degré. C’était un succès du mouvement collectif mais un échec dans la production: la production vivrière de 1960 était réduite d’un million de tonnes par rapport à 1959.
La réaction des planificateurs de la politique agraire était d’élever immédiatement les coopératives de bas degré au haut degré, c’est-à-dire réaliser la collectivisation immédiate des terres, de la force de trait et de la main-d’œuvre des paysans. Cette œuvre de collectivisation se déroulait en 5 ans (1961-1965), ayant pour résultat un reclassement de 76,7% des coopératives. Cet état se prolongeait pendant les 10 années suivantes, lors de la guerre aérienne de l’aviation américaine. Le gouvernement investissait pendant ce temps un capital énorme dans l’agriculture: un demi-million d’hectares de rizières assurées en irrigation; les infrastructures comme les silos, les fermes d’élevage, les écoles, les infirmeries, etc, étaient contruites partout, donnant un aspect extérieur très admirable.
Pourtant, l’essentiel n’était pas résolu: la production vivrière non seulement n’augmentait pas, mais régressait, la vie des paysans et des fonctionnaires administratifs se heurtait à de nombreuses difficultés.
Ainsi, chaque fois qu’une nouvelle politique agraire apparaît dans le but de démontrer la suprématie de l’économie collective, la production régresse quelque peu. Une autre grave erreur fut qu’après 1975, ces politiques étaient appliquées à la hâte à tout le Sud Vietnam nouvellement libéré et le résultat obtenu dans la production ne différait pas de celui du Nord.
L’œuvre de réforme de l’organisation dans la production agricole tombait en effet dans une impasse, sinon une crise. Mais le paysan travaillait en silence: sur le lopin de terre de 5% à sa disposition, il était libre de cultiver, d’entretenir à son gré et il y récoltait jusqu’à 60-70% des recettes totales, et grâce à cela, sa vie n’était pas précaire. Au fond, c’était l’unique option pour laquelle il pouvait pencher.
Un événement qui ne fut dévoilé que récemment, naquit à Vinh Phü dès 1960: un nouveau mode d’organisation dans la production agricole, plus populaire, était réalisé: c’est le régime de 3 forfaits au foyer agricole, comprenant le forfait du travail au groupe, au foyer et à l’individu, garantissant l’usage rationnel de la main-d’œuvre et l’accroissement du rendement du travail. Cette décision du Comité provincial du Parti communiste de Vïnh Phü gagnait le cœur de la population et avait un effet presque instantané. Dans l’espace de deux ans, la campagne de VTnh Phü changea radicalement; la prospérité s’exprimait par les rizières vertes, les collines jadis dénudées furent alors recouvertes de plantes industrielles et vivrières (patate, manioc), les foires des marchés ruraux et urbains débordaient de produits agricoles. Voici réellement l’effet social de la décision, parce que la décision elle-même s’est préoccupée de cet aspect. Il est regrettable qu’après deux ans d’expérimentation, le régime de forfaits fut interdit, et VTnh Phü retombait dans l’état commun à tout le Nord Vietnam de ce temps, dont nous avons parlé ci-dessus.