EDIFICATION D’UNE ÉCONOMIE AGRICOLE ET INDUSTRIELLE PROSPÈRE 3
La lutte contre la famine est toujours un souci vivace…
Le souci de premier rang du gouvernement vietnamien est toujours d’assurer les vivres à une population qui ne cesse d’accroître, dans le passé comme actuellement. Autrefois, les diverses dynasties émettaient souvent des rescrits pour encourager l’agriculture et se préoccupaient des digues et de l’hydraulique pour protéger et développer l’agriculture. Ce qui est surprenant, c’est que presque toutes les politiques encourageant le paysan à produire que nous connaissons aujourd’hui avaient été promulguées sous les anciennes dynasties, comme la régulation des eaux, le défrichement, la remise en culture, le cadastre, le budget d’encouragement à l’agriculture, le régime foncier et même l’atténuation de la différenciation entre pauvres et riches à la campagne.
Après la Révolution d’Août, avec l’industrie, l’agriculture est toujours considérée comme le front de premier rang et le pilier de l’économie nationale. Suivant la mission politique de chaque étape, l’agriculture après 1945 avait la tâche d’ »anéantir la famine »; pendant la résistance contre les Français, de « ravitailler le front en vivres »; pendant la résistance contre les Américains, d’approvisionner tout le pays en vivres; et de 1975 à nos jours, d’accroître la production pour ravitailler la population et avoir du riz en excédent à exporter.
La solution de ces problèmes ne fut pas facile. La nature tropicale humide et de moussons fournit des avantages à la production agricole, mais comporte nombre d’éventualités: les changements irréguliers du climat, l’invasion brusque — bien que suivant les lois de la saison — des typhons venus du Bien Dông, les inondations et les sécheresses, etc… sont des menaces permanentes. Les insectes surgissent dans l’une ou l’autre région, dévastant quelquefois la récolte sur une grande étendue.
Ce n’est pas par hasard que le paysan vietnamien a pour habitude de lutter contre les fléaux naturels. Le réseau de digues, pour arrêter les crues ou les eaux salées, totalise 7.700 km de longueur (seules les digues fluviales: 5.700 km), étant plus développées dans le delta du Fleuve Rouge (environ 3.000 km de digues fluviales, 1.500 km de digues maritimes), la terre natale du peuple Viét C’est réellement un ouvrage grandiose, commencé aux IXe-Xe siècle (certains documents mentionent le 1 lie siècle avant l’ère chrétienne), surélevé et agrandi de génération en génération. Les digues font partie intégrante des paysages naturels, s’y assimilent harmonieusement au point qu’on serait étonné de leur absence.
On n’a pas contruit de digues fluviales dans le delta du Mékong, et l’effet des inondations — quelquefois très désastreux comme en 1994 — est d’approvisionner annuellement la terre d’une couche nouvelle d’alluvions qui augmente sa fertilité.
En relation avec le problème de l’eau (« primo: l’eau; secundo: tes engrais; tierco; l’assiduité; quarto: les semences ») est le système hydraulique. La surface irriguée dans tout le pays atteint environ 55% de la surface cultivée, parmi laquelle 1,9 million d’hectares sont irrigués toute l’année et 0,4 ha pour une récolte.
La plaine du Fleuve Rouge a un système hydraulique construit depuis très longtemps: plus de 30 systèmes principaux, chacun desservant de 100 ha à 100.000 ha, sans compter d’autres petits systèmes. Trois grands systèmes desservant à la fois plusieurs provinces (systèmes Bac-Huong-Hâi: 136.000 ha, de la rivière Nhuê: 81.000 ha, et Bac Duong: 50.000 ha). Dans la plaine du Mékong, la construction du système hydraulique est plus difficile à cause des inondations annuelles sur une grande étendue, et de l’expansion de l’alunisation et des eaux salines.
Les plaines côtières du Centre Vietnam ont de bonnes conditions d’hydraulique, mais la superficie irriguée est encore modeste, tout comme dans la haute région du Nord Vietnam.
On a déployé de grands efforts pour améliorer les semences par l’importation permanente et l’hybridation des semences, pour produire et distribuer les engrais aux paysans, afin de former des groupes, de protection des cultures. C’est l’agriculteur qui mieux que personne connaît ses rizières et ainsi de sa propre initiative a étudié les problèmes d’amélioration du rendement et d’emploi des techniques appropriées. P. Gourou a écrit autrefois: » tous ceux qui ont observé le travail du paysan admirent son adaptation, sa souplesse et son esprit d’observation » (Voir: Le paysan du delta du Tonkin).
Evidemment les mesures sus-indiquées sont de plus en plus efficaces suivant les progrès de la science et de la technique, la dégression de l’esprit conservateur du paysan et l’attention du gouvernement. Si jusqu’en 1945, la famine était un phénomène fréquent parmi 95% de la population agricole (ce qui est compréhensible car la plupart des terres étaient entre les mains des concessionnaires et des propriétaires fonciers, tandis que le paysan était exploité misérablement), après 1945, la famine a continué à sévir dans une région ou dans l’autre, surtout dans la haute région, aux plaines côtières du Centre Vietnam comme dans certaines provinces du delta du Fleuve Rouge.
La famine se produisait généralement pendant le temps de transition entre deux moissons, après des inondations ou typhons, des sécheresses ou à cause des ravages des insectes. Pendant la guerre, même le Sud Vietnam devait importer des vivres de 1965 à 1975. En 1967: 749.000 tonnes, et davantage dans les années suivantes.
Après la réunification du pays en 1975, on croyait qu’avec le grenier réputé riche de la plaine du Mékong, le problème des vivres et de la famine seraient rapidement résolus, mais la situation n’évolua pas ainsi: tout le pays se nourrit de riz accompagné de patates, de manioc, de larmille, de maïs, etc, malgré l’investissement de l’Etat régulièrement grandissant. La production agricole semblait piétiner; le rendement oscillait d’une année à l’autre. Il arriva que le gouvernement ait dû importer près d’un million de tonnes de riz; les provinces victimes des inondations durent faire appel à l’aide des organisations internationales, essentiellement par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, des organisations non-gouvernementales et des gouvernements sympathisants.
Donc, qu’est-ce qui freinait le développement agricole? C’est le problème auquel le pays s’intéressait et dont il cherchait la solution.