LA POPULATION DU VIETNAM
On ne peut étudier la population du Vietnam à travers un tableau de statistiques reflétant son état en un temps déterminé. Elle varie quotidiennement non seulement en quantité, mais aussi en qualité, malgré que pour comprendre ces phénomènes, on doit parfois même étudier l’histoire pour comprendre ses développements suivant des lois déterminées.
L’union de ce peuple s’est réalisée progressivement dès le début de l’instauration du pays, pendant les pénibles guerres de résistance contre l’invasion étrangère, dans les rassemblements pour vaincre les forces brutales de la nature et dans la construction en temps de paix.
Elle est aussi nourrie par les mœurs et coutumes héritées des ancêtres, par une culture multiforme et même par la psychologie locale. Le problème de régularisation de la structure de la population doit par exemple tenir compte de ces notions.
Les maîtres du pays : la communauté des etlwies du Vietnam
Le Vietnam est un pays à nombreuses ethnies. Suivant la « Nomenclature des ethnies du Vietnam » publiée le 2 mars 1979, tout le pays comprend 54 ethnies dont celle des Kinh (Viêt) occupe 84% de la population. Les autres ethnies appelées minorités ethniques varient d’environ un million d’habitants (les Tày. 1,19 million; les Thâi: 1,04 million, les Muong: 914.000, les Hoa. 900.000) à quelques centaines de milliers ou même quelques milliers d’âmes (Brau: 0,2 mille, Ro-nam: 0,2 mille). Seule une ethnie ne compte plus aucun habitant (O-du).
Dans la longue histoire de quelques milliers d’années à nos jours, toutes ces ethnies, sans distinction de majorité ou de minorité, se sont unies pour édifier et défendre la Patrie commune, et avaient ainsi pu tenir bon devant tant d’épreuves, particulièrement contre les invasions étrangères, et conserver leur identité culturelle sans être assimilées.
Les Viêt vivent répandus partout sur le territoire, mais se concentrent surtout aux plaines et deltas, où ils créèrent la civilisation du riz. Depuis la plaine, ils sont remontés jusqu’aux hautes régions pour les exploiter en compagnie des ethnies sœurs, en même temps ils se sont aventurés dans le Bien Dông à la conquête de nombreux archipels et îles. Les Viêt sont des travailleurs adroits, dynamiques, disciplinés, avides de savoir et toujours attachés à leur terre natale, même de loin.
Toutes les ethnies minoritaires ont leur aire d’habitat dans les moyennes et hautes régions. Le peuple Mudng se fixe essentiellement dans les collines de la moyenne région, à l’ouest du delta du Nord Vietnam et à Thanh Hoa. Les Tirai se fixent essentiellement sur la rive droite du Fleuve Rouge, tandis que les Tày sont sur la rive gauche et se répartissent jusqu’à Quâng Ninh.
Ce sont des traits généraux, mais en réalité, aucune minorité ethnique au Nord Vietnam n’a de territoire ethnique propre. Elles vivent entremêlées (sans compter les Viêt qui occupe de 25% à l’ouest à 30% au nord et à l’est du Nord Vietnam), surtout aux bandes de terre limitrophes. Par exemple, à l’ouest du Nord Vietnam, le long des frontières vivent les ethnies Ha Nhi, La Hu, Ma, Công, Lao, Kho-mu, Mang, Pu No, Giay.
Les H’mâng (Mèo) vivent éparpillés partout, essentiellement au-dessus de 800 m à 2.000 m d’altitude . A l’est du Nord Vietnam, il y a en plus les Nùng, Dao, Bô Y, La Chi, Pà Then, Cao Lan, San Chi, à l’ouest du Truog Son Nord, les Tho, Chut, Bru, Pa Cô et O-du (mentionnés ci-dessus).
La répartition compliquée des minorités ethniques dans les hautes et moyennes régions du Nord Vietnam est liée étroitement à l’histoire de leur immigration : si les Viêt, Muong, Tày ont mutuellement des relations étroites de langage (le groupe linguistique Viêt-Muxmg) ou de culture (les Viêt et les Tày), les autres ethnies se fixent au Nord Vietnam après différentes vagues d’immigration à des périodes différentes. Celles qui arrivaient tard étaient obligés de vivre ou entremêlées ou isolées aux sommets plus élevés. Les Thâi, par exemple, arrivaient au Vietnam du Vile au XlVe siècle: les Hà Nhi, Lô Lô, au Xe; les Dao au Xle, tandis que les H’mông, seulement environ 3 siècles auparavant, tout comme les Giây, Bô Y, Cao Lan-San Chi, etc…
Aux moyennes et hautes régions du Sud Vietnam, au contraire, la plupart des minorités ethniques sont autochtones et avaient une aire d’habitat déterminée. Les ethnies du langage môn-khmer comprennent les Ba-na, Xo-dâng, Gié-Triêng, Hrê, Bru, Pa Cô se fixe au nord du Truong Son Sud, les Mnông, Xtieng, Co-ho, Ma, à l’extrême sud. Les ethnies arrivant plus tard, de la famille linguistique malayo- polynésienne : Ê-dê, Gia-rai, Ra-glai, Chu-ru débarquaient du Bien Dông comme les Châm, au 2e siècle avant Père chrétienne. Puisque le Trircmg Son Sud arrive jusqu’à la mer et que la plaine touche les montagnes le long des vallées, certaines de ces ethnies vivent aussi en bordure des plaines.
Parmi les minorités ethniques au Sud Vietnam, les Châm ont le plus haut degré de développement : le royaume du Champa de jadis laisse encore des vestiges comme des temples, des tours, des réseaux hydrauliques, une culture propre digne d’admiration. Après la désagrégation du royaume, la communauté Châm se disperse pour vivre en petits groupes à Dông Nai, Tây Ninh, An Giang et même au Cambodge.
Dans la plaine du Mékong, les Khmers se concentrent en petits groupes dans les phum, srôc, des provinces Cùu Long, Hâu Giang, Kiên Giang, An Giang, Cà Mau et Bac Liêu.
Les Hoa immigrèrent au Vietnam par de nombreuses voies, depuis la domination chinoise jusqu’à nos jours. Ils sont actuellement plus de-mais se concentrent surtout à Ho Chi Minh-ville plus de 400.000.
Les minorités ethniques ont des degrés de développement différents. Dans les moyennes et hautes régions du Nord Vietnam, celles des zones basses comme les Muong, Thâi, Tày… vivent essentiellement de la riziculture en rizières ou sur essarts; celles des moyennes et hautes régions, des essarts, de la chasse et de la cueillette. Ces deux groupes ont une connaissance parfois approfondie de l’artisanat. Les échanges culturels et économiques de longue date entre ces ethnies, particulièrement avec les Viêt, ont beaucoup contribué à ce développement.
Les minorités ethniques du Sud Vietnam vivent plus isolées. Sauf les Châm et les Hoa d’un niveau de développement assez élevé, la plupart des autres ethnies des Hauts-Plateaux du Tây Nguyên sont groupées en hameaux et villages, vivant aux dépens de la nature et en autarcie. L’essart est la forme de culture la plus répandue; l’élevage ne se détache pas encore de l’agriculture. Quelques ethnies vivent encore en société primitive; quelques-unes en matriarcat (Ê-dê, Gia-rai, Co-ho, etc…); d’autres, en régime double (Xo-dâng, Gié-Triêng) ou en patriarcat (Ba-na, Hrê, Ta-ôï).
Dès la fin de 1954 et surtout après 1975, rentremêlement des ethnies s’opéra plus rapidement. Les Viêt, domiciliés depuis longtemps dans les moyennes et hautes régions, migrèrent en vagues vers « les nouvelles zones économiques » : ils y apportaient une nouvelle culture, des nouveaux moyens de production, et dès lors, apparurent des plantations, des bases de production industrielle, et même des écoles secondaires professionnelles et des écoles supérieures, des hôpitaux et des infirmeries, des boutiques, etc… La solidarité entre les ethnies est consolidée de jour en jour.