LA DIVERSITÉ DU PAYSAGE 4
… Mais le régime des courants est très irrégulier
Le régime des courants d’eau dépend avant tout de la hauteur des précipitations et de ses variations suivant la saison. Les conditions pédo-géomorphologiques, la couverture végétale de toutes espèces, et l’activité de l’homme influent considérablement sur ce régime.
En général, les cours d’eau du Vietnam ont un régime de courant assez riche, atteignant 897 km3 dans tout le territoire (regroupant les eaux intérieures et venues de l’extérieur), correspondant à une couche d’eau de 2.740 mm, dont la quantité coulant en surface représente 55 à 80%, en moyenne 70%, la proportion restante étant des courants souterrains. Si les courants en surface sont en essence des courants de crue dans la saison des pluies, les courants souterrains fournissent aux cours d’eau une quantité d’eau presque constante pendant toute l’année et de haute qualité, grâce à laquelle ils sont alimentés en eau pendant la saison sèche. Si on veut approfondir un peu plus pour faire le bilan d’eau, on doit aussi calculer la quantité d’humidité sur le territoire et la quantité évaporée (comprenant l’eau d’évaporation et de vaporisation), ce que nous n’aborderons pas ici en détail.
Le courant des cours d’eau varie encore dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace, la répartition du courant des cours d’eau est très irrégulière, ce qui se manifeste clairement sur la carte des courbes isohyètes. Cette répartition a un caractère de loi : presque toutes les courbes isohyètes de 2.000 à 2.500 mm se trouvent sur les hauts sommets exposés au vent de plusieurs directions, comme à Hoàng Liên, Bach Ma…; celles de 1.600 à 2.000 mm, à l’ouest de Hà Tïnh, à Quang Bînh, Quang Tri, Thùa Thiên-Hué, Quang Nam, Quâng Ngâi… sont liées aux pluies d’automne et à l’action des cyclones tropicaux et des typhons.
Les zones basses, abritées par les montagnes de direction nord-ouest — sud-est, ont un courant annuel inférieur à 1.500 mm, essentiellement de 600 à 1.000 mm. Elles n’ont qu’un régime unique de pluies, soit en été, soit en automne.
Les zones ayant les courants annuels les plus faibles se trouvent en amont de la rivière Ma, au plateau Quân Ba-Dong Vàn et au Nam Bô oriental. C’est à Phan Ri qu’on trouve les courants les plus faibles du pays.
Les courants ont aussi des manifestations différentes suivant le temps, ce sont le courant de crues et le courant d’étiage, correspondant au régime de saison de pluies. Ce phénomène a aussi un caractère de lois, bien que souvent inconstant.
La saison des crues comprend les mois consécutifs où le courant est supérieur en force à sa moyenne annuelle. Au Nord Vietnam, les crues se produisent de juin ou juillet à septembre ou octobre; au flanc orientai du Truùng Son; de septembre-octobre à novembre-décembre à cause des pluies d’automne; dans le reste du pays, de juillet-août à octobre-novembre. Le volume d’eau entraîné pendant les mois de crues (en général de 3 à 5 mois) occupe jusqu’à 70-80% du volume annuel; ainsi, il n’y a que 20 à 30% de ce volume pendant la saison sèche. Pendant la durée de 3 à 5 mois de crues, environ 20 à 30% de ce volume d’eau se concentrent pendant un mois, et la majeure partie, dans l’espace d’une semaine. Le courant des crues très violent ainsi menace de rompre les digues protégeant la plaine du Nord Vietnam, d’inonder d’immenses surfaces de terre au Centre Vietnam, de détruire les ponts et voies de communications, de causer de sérieux désastres.
Dans le delta du Mékong, malgré la régularisation par le Grand Lac au Cambodge, empêchant les crues de monter brusquement comme au Nord et au Centre Vietnam, la superficie inondée est très grande à cause de la concentration de 80% du volume d’eau annuel en 3 mois, surtout en octobre.
La saison sèche — comme il est dit plus haut — ne représente que 20 à 30% du courant total de l’année. Les sources d’alimentation en eau des cours d’eau pendant la saison sèche sont les eaux souterraines et une partie des pluies reçues en cette saison. La période de 3 mois consécutifs ayant un courant minimum s’écoule de janvier à mars, au nord-est du Nord Vietnam; de février à avril au nord-ouest et dans le reste du Nord Vietnam; de mars à mai au Centre et au Sud Vietnam. Le courant est très faible, entraînant en un mois environ 1 à 3% du volume d’eau annuel, étant le plus faible à Ninh Thuân et Bînh Thuân.
Courants alluviaux
Les courants des cours d’eau ne charrie pas seulement de l’eau, mais encore du sable, de la boue — appelés communément alluvions— fournis par le processus d’érosion en amont et tout au long du cours moyen. Sur tout le territoire du Vietnam, les courants alluviaux charrient jusqu’à 300 millions de tonnes par an. Les deux réseaux du Fleuve Rouge (130 millions de tonnes) et du Mékong (à peu près 100 millions de tonnes) fournissent plus des 2/3 des alluvions charriées par tous les cours d’eau du pays.
Comme les courants liquides, les courants alluviaux varient suivant la saison de crues ou d’étiage du cours d’eau. Il est facile de comprendre que la charge d’alluvions pendant les crues est plusieurs lois plus grande que celle de l’étiage, par exemple 7 fois pour le Fleuve Rouge (3.500 g/m3 par rapport à 500 g/m3 à Son Tây). Le Fleuve Rouge a ainsi la plus grande opacité, l’eau est rouge toute l’année, car la charge d’alluvions pendant Fétiale est déjà plus grande que celle du Mékong pendant les crues (500 g/m en comparaison avec 300 g/m3).
La charge importante d’alluvions dans les cours d’eau du Vietnam démontre une fois encore que le phénomène d’érosion dans les régions montagneuses est très répandu et grave, ce dont on doit se méfier. D’un autre côté, on ne peut contester que les alluvions riches dans les cours d’eau ont consolidé et élargi la superficie des plaines et des deltas vers la mer à un rythme impressionnant, de 60 à 100 m/an en certains endroits propices.