L’IDENTIFICATION DU VIETNAM 2
An carrefour des ethnies et des civilisations
Dès l’antiquité, les navigateurs et les commerçants décrivaient la région que nous appelons aujourd’hui l’Asie du Sud-Est, comme une contrée excessivement riche.
Le poète et savant romain Pline l’Ancien (23 à 79 de notre ère) écrivait : « Cette terre est d’or et d’argent », tandis que Ptolémée (90-168), géographe d’Alexandrie, dessinait l’Asie du Sud-Est comme une presqu’île immense de l’Inde au-delà du Gange (India extra Gangem) et la nommait « file-continent d’or » (Aurea Chersonesus).
Le Vietnam est une portion de cette presqu’île légendaire. Certainement, les anciens commerçants auraient exagéré leurs observations, mais la chasse aux aromates, aux défenses d’éléphant, à l’or, à l’argent, aux bois précieux… avait orienté leurs navires vers cette région du monde, comme le montrent les vestiges de Oc Eo. Des navires marchands de la Chine antique, de Java (Indonésie) et de Malacca étaient venus ici par le Bien Dông. Le Vietnam était ainsi depuis longtemps un carrefour d’échanges entre les peuples et puis après entre les civilisations.
D’après les documents archéologiques, on a émis l’hypothèse de la présence de l’homme sur ce territoire il y a 250 millénaires. Les preuves les plus convaincantes, rassemblées dans les vestiges des civilisations antérieures et voisines de celle de Hoa Binh (période post-pléistocène – préholocène), montrent que ces civilisations sont autochtones. Les premières ethnies vivant sur cette terre — au moins au Nord Vietnam — sont les Viêt-Muong antérieurs (encore appelés Proto-Viêt-Muong) y compris celle des Tày anciens.
A l’époque des rois Hùng (de quelques siècles avant J. C. jusqu’au début de l’ère chrétienne), c’est-à-dire au temps de la culture de Dông San, les Viêt antiques savaient déjà cultiver les rizières et les essarts, construire des radeaux et des barques pour la pêche en rivière et en mer, ceci sans compter leur maîtrise de la chasse et des cueillettes.
Le mélange des ethnies s’opéra activement à partir du début du 1er au Ile siècle quand les invasions successives et prolongées issues du Nord féodal (de la dynastie des Han antérieurs à l’époque des Cinq Dynasties) créaient des vagues d’immigration seulement interrompues par des soulèvements populaires dirigés par des héros nationaux : les Deux Sœurs Trung (40-43), la Dame Triçu (248), Lÿ Nam Dé (544-602 : dynastie des Lÿ antérieurs). Les immigrants apportaient la technique de la culture intensive du riz, quelques métiers artisanaux…, mais les apports les plus importants étaient l’organisation de l’Etat et l’écriture, en un mot : la civilisation chinoise.
Au Sud Vietnam, du début du Ier siècle au Ile siècle aussi, l’infiltration de la civilisation indienne se réalisait par une série d’immigrations des populations de l’ouest et même des ethnies malayo-polynésiennes, apportant le travail de la pierre, la pêche en mer et un certain nombre d’autres métiers artisanaux.
Ainsi, le Vietnam devint un carrefour où se rencontraient plusieurs courants de civilisation, dont les plus importants étaient chinois et indien. Ce phénomène se produisit de manière continue jusqu’au milieu de XIXe siècle, quand le Vietnam reçut la civilisation de l’Europe occidentale par l’intermédiaire des Français. En réalité, cette infiltration avait eu lieu plus tôt, à la fin du XVIe siècle et au début du XVIle siècle avec les commerçants hollandais, portugais, anglais, français qui accostèrent dans les ports commerciaux de Hôi An et Pho Hiê’n, mais leur influence fut restreinte. L’écriture du Vietnam, ayant déjà changé en passant des caractères chinois au nom (caractères démotiques sine-vietnamiens), fut latinisée; de nombreuses pensées et modes de vie nouveaux furent introduits dans les villes. Il faut aussi noter la propagation du mode de vie américaine au Sud Vietnam dans les centres urbains pendant les années 60 de ce siècle, mais son influence culturelle est négligeable.
Hoi An
La rencontre de nombreux courants de civilisation sur cette terre a apporté en réalité de nombreuses influences positives et négatives, le premier aspect étant plus important que le second. Pourtant, la civilisation locale n’était pas de ce fait assimilée ou défigurée; au contraire, elle devenait plus féconde grâce à une assimilation sélective. Même à l’intérieur du pays, bien que chaque ethnie garde encore des traits culturels, et en certains cas, son dialecte propre, — ce que l’Etat encourage —, peu à peu toutes les ethnies s’intégrent dans la civilisation unifiée du Vietnam.