L’IDENTIFICATION DU VIETNAM
Sur le planisphère, le Vietnam n’est qu’un petit pays occupant une place modeste dans la bordure orientale de la péninsule indochinoise, considérée comme appartenant au continent Sud-Est asiatique. La superficie de ce territoire n’est que moyenne (330.900km ), plus petite que celle de l’Indonésie, du Myanmar et de la Thaïlande, mais sa population est relativement élevée, atteignant 75 millions d’habitants, la deuxième en importance dans la région.
Pendant plus d’un siècle avant 1945, le nom du Vietnam avait disparu de la carte du monde, remplacé par celui d’Indochine Française avec trois régions : Bac Kÿ (Tonkin), Trung Kÿ (Annam) et Nam Kÿ (Cochinchine). Le nom « Vietnam » ne réapparut qu’après 1945 — plus exactement le 2 septembre 1945 avec la Déclaration de l’Indépendance proclamée par le Président Ho Chi Minh au monde entier.
De même, pendant toute la deuxième moitié du XXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale, il semble qu’aucun pays ne fut plus régulièrement cité que le Vietnam, soit à cause du déroulement des guerres au Vietnam, soit pour rappeler l’évolution pleine d’obstacles d’un pays dévasté en train de redresser son économie, en dépit des conditions rigoureuses imposées par le blocus et l’embargo.
Dans les années 80, nombreuses étaient les prévisions — pour la plupart pessimistes — sur l’avenir socio-économique du Vietnam, non seulement émises par les étrangers, soit indifférents, soit réjouis d’observer ce pays s’évertuer au milieu des grandes fluctuations de l’histoire, mais encore des gens du pays eux-mêmes qui commençaient à douter des capacités de leur propre pays à surmonter les difficultés affluant de toutes parts.
Pourtant, à partir de 1986, ou plus exactement de 1989, on commença à voir le Vietnam d’un autre œil, quelque peu surpris par la vitalité et l’esprit de lutte de son peuple, et ainsi moins indifférent qu’auparavant. De nombreuses questions se posèrent, mais peut-être la plus générale fut : « Qu’est-ce que c’est le Vietnam ? »
Les premières données géographiques
Presque tout le monde peut saisir sur la carte la situation géographique du Vietnam : situé entre 23°22’ et 8°30’ de latitude Nord, s’étendant de Lüng Cü (district Dông Van, province Hà Giang) à Xom Mùi (district Nàm Cân, province Cà Mau) et entre 102° 10′ (commune Apa Chai, district Mirông Tè, province Lai Châu) et 109° 14’ de longitude Est (sur la presqu’île Hon Gom, province Khanh Hoa).
Ainsi la longueur du pays est sensiblement égale à 4 fois sa largeur, dont la plus grande est approximativement de 500 km entre Mong Cai (Quâng Ninh) et Diçn Bien (Lai Châu) et la plus petite — moins de 50 km — entre le bout de la route N°20 sur la frontière Vietnam-Laos et Dong Hoi (Quâng Binh). Sa forme longue et étroite lui donne les caractères d’une presqu’île, au moins au point de vue climatique car l’influence de la mer agit partout, sauf au Nord, où la proximité du bloc d’Huanan (Chine du Sud) confère au climat un caractère continental.
En dehors du territoire continental, le Vietnam englobe aussi la plate-forme littorale et de nombreux îles et archipels aux alentours: les plus proches et les plus connues sont les îles de la baie d’Ha Long; les plus éloignées sont les archipels Hoàng Sa (Paracels), et Truong Sa (Spratly) dans le Bien Dông (Mer de l’Est), ainsi que les îles Phü Quôc et Thô Chu dans la golfe de Thaïlande. On peut donc considérer dans une certaine mesure que le Vietnam appartient aussi au Sud-Est asiatique maritime.
Le territoire continental comprend environ les 2/3 des régions montagneuses, mais aussi les plaines deltaïques immenses et fertiles résultant de l’alluvionnement du système du Fleuve Rouge au Nord et de celui du Mékong au Sud. Entre ces deux plaines s’éparpillent une série de plaines petites ou grandes le long du littoral du Centre Vietnam, de Thanh Hoa à Phan Thiet.
Dans les conditions des moussons s’accompagnant fréquemment de pluies et de typhons, le réseau serré des cours d’eau a divisé les régions montagneuses depuis des dizaines de millions d’années, et sous Faction du climat chaud et humide, les roches altérées ne créent pas beaucoup d’obstacles à la circulation, même sur la Cordillère Truong Son. En outre, les massifs montagneux et les plateaux du Vietnam sont, soit la continuation des chaînes de montagnes du Huanan ou du Laos, soit l’expansion sur une partie du relief de certains pays voisins, comme dans le cas des Hauts-Plateaux du Tây Nguyên; ce qui fait que depuis longtemps, le Vietnam est un pays relativement « ouvert » aux pays voisins, sans compter l’ouverture vers la mer.
Les conditions précitées expliquent la diversité des paysages de ce pays : de la mer au hinterland, c’est d’abord le paysage des plaines côtières et des deltas, ensuite, celui de la moyenne région avec des collines et basses montagnes au Nord-Est, au Nord et dans la Cordillère Truong Son; enfin celui des hautes montagnes au Nord-Ouest, des plateaux du Nord-Ouest, des Hauts-Plateaux du Tây Nguyên.
De longue date, l’homme vit dans ces paysages et a trouvé des procédés pour une utilisation rationelle du sol à tel point qu’on peut considérer ces paysages comme la représentation dans l’espace des sociétés locales, l’empreinte des activités productives et culturelles de l’homme. Les géographes français parlaient du « pays Muong » à Hoà Binh; du « pays Thai » le long de la vallée de la Rivière Dà, du « pays Chàm » à Binh Thuân et Ninh Thuân, mais il ne faut pas les prendre au mot, car comme nous verrons ci-après, l’enchevêtrement ethnique au Vietnam est si profond qu’il n’existe plus que peu d’ethnies ayant leur propre aire d’habitat.